CHRONIQUE DU DOMMAGE CORPOREL, DU DROIT DES VICTIMES ET VICTIMOLOGIE, C. Lienhard et C. Szwarc

Claude Lienhard

Avocat spécialisé du droit du dommage corporel
Professeur émérite de l’Université de Haute-Alsace
Directeur honoraire du CERDACC
 Et

Catherine Szwarc

Avocate spécialisée du droit du dommage corporel

 

 

I – Violences conjugales, prise de position du Ministère public, CIVI :

La commission d’indemnisation des victimes d’infractions pénales (CIVI) est une juridiction hybride à vocation indemnitaire. Elle est nichée dans le Code de procédure pénale et la présence du Ministère public y est de droit.

La fréquentation des CIVI peut laisser parfois dubitatif sur le rôle réel du Ministère public.

L’histoire d’ «Aïda » avait choqué et eut un très large écho médiatique (voir JAC n° 183 notre chronique). Cette victime était devenue paraplégique après avoir été défenestrée par son compagnon en 2013. Il lui était reproché, notamment dans les conclusions du Ministère public à hauteur d’appel, son comportement qui aurait participé à son dommage en retournant à son domicile le soir des faits alors que les policiers le lui avaient déconseillé en raison des violences conjugales dont elle était victime.

Cette position avait été jugée comme incompréhensible notamment par la Secrétaire d’Etat  Marlène Schiappa.

Alors que l’audience en appel est prévue pour le 27 mai 2019, ces mêmes médias nous apprennent que le Parquet «a pris de nouvelles conclusions visant à une indemnisation complète ».

La presse toujours, puisqu’il s’agit désormais d’un des moyens de communication en matière de politique indemnitaire, nous révèle que le FGTI a confirmé à France Info qu’il prenait acte de l’analyse du Parquet qui vient d’émettre un avis circonstancié concluant à l’absence de réduction de droits à indemnisation de la victime.

Le FGTI indique ainsi qu’il conclura donc dans le même sens.

On ne peut qu’espérer que dans d’autres demandes indemnitaires pendantes devant les CIVI, on retrouve la même implication et le même engagement du parquet.

II – La ville de Nice n’a pas qualité pour se constituer partie civile suite à l’attentat commis le 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais

L’arrêt de la chambre criminelle du 19 mars 2019 (Crim. 12 mars 2019, FS+P+P+L n°18-80911 A LIRE ICI) fera date.

La ville de Nice, en qualité de commune, s’était constituée partie civile par voie incidente dans le cadre de l’instruction ouverte après l’attentat sur la Promenade des Anglais. La commune soutenait avoir subi un double préjudice matériel lié à sa qualité de subrogé dans les droits de plusieurs fonctionnaires municipaux susceptibles de se constituer partie civile, et consécutif aux dommages causés au mobilier urbain par le véhicule utilisé lors de sa course. A cela s’ajoutait un préjudice d’image résultant de l’atteinte portée par l’attentat à l’attractivité de la ville.

La constitution de partie civile a été déclarée partiellement recevable par le juge d’instruction.
Sur appel du procureur de la République, la chambre de l’instruction avait infirmé cette ordonnance et avait déclaré la constitution de partie civile irrecevable, les préjudices étant dépourvus de lien direct avec les poursuites engagées des chefs de participation à un groupement en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteinte aux personnes en relation avec une entreprise terroriste, assassinat en bande organisée, complicité tentative d’assassinat en bande organisée, complicité infraction à la législation sur les armes.

La Cour de cassation estime que la ville de Nice ne justifie pas « de préjudices personnels directement causés par les infractions poursuivies » et que l’entreprise terroriste n’est pas susceptible d’avoir porté directement atteinte, au-delà des victimes personnes physiques, aux intérêts de la nation (voir Dalloz Actualités, 20 mars 2019, obs. Dorothée Goetz).

III –« Barème Macron », suite et pas fin :

La bataille du barème des plafonds indemnitaires dans les contentieux prud’homaux comme il a déjà été indiqué (voir JAC N° 183, janvier 2019, notre chronique) n’est pas sans analogie avec le risque barémique en matière de dommage corporel. C’est donc avec intérêt qu’on attendra l’avis sollicité par la cour d’appel de Paris auprès du parquet général.

Alors que maintenant plus d’une quinzaine de conseils de prud’hommes ont rendu des décisions contraires à ce barème, le recours à hauteur de la cour d’appel de Paris à l’avis du parquet est surprenant mais s’explique par l’existence d’une circulaire du 26 février 2019 qui demande au Ministère public de se porter « partie jointe » aux appels des décisions qui ont écartées l’application du barème de 2017.

On peut y voir, comme certains, une pression sur les juges, mais, cela est loin d’être certain. Au contraire, au cas où les décisions ayant écarté le barème viendraient à être confirmées quel que soit l’avis du Ministère public formulé, les arrêts n’auront que plus de poids.

On observera là encore la « civilisation » du parquet, phénomène dont il convient de scruter avec vigilance l’évolution.

IV – Fausse victime et faux criminologue :

Une lecture attentive de ce qui fait le miel de la presse quotidienne est très éclairant.

C’est d’abord une fausse victime des attentats du 13 novembre 2015 qui a été condamnée à trois ans de prison ferme le 12 mars 2019 par le tribunal correctionnel de Créteil avec une mise à l’épreuve de deux ans assortie d’une obligation de soin, de l’indemnisation des parties civiles et un maintien en détention.

L’escroquerie portait sur un montant de 77 000 €. La fausse victime avait fourni une fausse place du concert des Eagles of Death Metal. Le parquet dans ses réquisitions avait dénoncé l’utilisation de la douleur, de l’argent, de l’énergie et du temps des associations pour servir les seuls intérêts de la fausse victime.

L’association Life for Paris, partie civile a, quant à elle, dénoncé la confiance trahie.

Dans un autre registre, on relèvera la condamnation à trois ans de prison ferme par le tribunal correctionnel de Troyes le 27 février 2019 d’un faux criminologue accusé d’escroquerie, d’exploitation d’un établissement d’enseignement supérieur sans déclaration préalable, ainsi que de faux et usage de faux.

«L’escroc» avait fréquenté assidûment les plateaux de certaines chaines d’information en continu se présentant comme un passionné de criminologie, ne disposant d’aucun titre de doctorat reconnu en France.

Ses victimes sont des étudiants dont le « master de criminologie » est sans valeur sauf dans une université en Côte d’Ivoire le tout en contrepartie bien entendu de paiement.

La condamnation a été de 3 ans ferme, de 28 000 € d’amendes et 5 ans d’interdiction d’enseigner.

Au-delà de ce qui pourrait être anecdotique, à l’évidence la question qui est posée en filigrane est celle de l’absence de reconnaissance en France, contrairement à d’autres pays, d’un cursus universitaire validant la criminologie.

On rappellera à cet égard qu’il avait été créé, après bien des atermoiements et des polémiques, dans le groupe XII, une section 75 au CNU (Conseil National des Universités) intitulé « criminologie » A LIRE ICI.

Un certain nombre de professeurs des universités avait fait le choix de rejoindre cette section dont Robert Cario, Martine Herzog-Evans et le cosignataire de cette présente chronique.

Cette section fut dissoute pour des raisons exclusivement politiques …

La question de l’approche scientifique de la criminologie, de la victimologie, de la labellisation des savoirs, de l’enseignement et de la transmission des savoir-faire reste ouverte.

 

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