Claude Lienhard
Avocat spécialisé en droit du dommage corporel
Professeur Emérite à l’Université de Haute-Alsace
Directeur honoraire du CERDACC
Aide aux victimes : le couperet technocratique des six minutes chrono
Décidément, nos mondes ancien et nouveau sont plein de contradictions.
Chacun s’accorde à dire que l’aide aux victimes de toutes les délinquances est un impératif et une grande cause prioritaire à durée indéterminée. Voilà pour la pétition de principe !
Plus simple et intuitif, le numéro qui a remplacé le 08VICTIMES, est la conséquence d’une harmonisation des numéros de service d’aide aux victimes entre les pays membres de l’Union européenne.
Mais voilà qu’en pratique l’appel d’offres pour le 116006 pose désormais le critère de six minutes d’écoute au plus : au-delà, votre souffrance et votre douleur ne sont plus recevables ni audibles…
À croire que les rédacteurs de l’appel d’offres n’ont jamais rencontré la détresse et l’isolement des victimes et de leurs proches.
Numéro d’urgence Orange le bug fatal : sur le papier, un tel cas de figure est bien sûr « impossible »
Selon les conclusions de l’opérateur téléphonique Orange, la panne catastrophique des numéros d’urgence du 2 juin dernier en France a pour origine un bug logiciel sur l’interconnexion entre le réseau IP. Au moins cinq personnes étaient décédées à la suite de ce dysfonctionnement. Voilà l’information brute.
L’explication donnée est d’une simplicité déroutante : « le cas de figure est impossible » (Le Figaro entreprise, 12-13 juin 2021).
On reste sidéré de cette déficience de culture de l’appréciation des risques.
Nous proposons d’obliger les dirigeants d’Orange à lire, et à relire si on est optimistes sur les prérequis, l’ouvrage de sociologie de Christian Morel sur les décisions absurdes: « Il arrive que les individus prennent collectivement des décisions singulières et agissent avec constance dans le sens totalement contraire au but recherché : pour éviter un accident, des pilotes s’engagent dans une solution qui les y mène progressivement ; les ingénieurs de Challenger maintiennent obstinément des joints défectueux sur les fusées d’appoint ; des copropriétaires installent durablement un sas de sécurité totalement inutile ; une entreprise persévère dans l’usage d’un outil de gestion au résultat inverse de l’objectif visé… Quels sont les raisonnements qui produisent ces décisions absurdes ? Les mécanismes collectifs qui les construisent ? Quel est le devenir de ces décisions ? Comment peut-on à ce point se tromper et persévérer ? Ces questions, auxquelles Christian Morel répond grâce à une analyse sociologique aux multiples facettes, conduisent à une réflexion globale sur la décision et le sens de l’action humaine. »
(Christian Morel, Sociologie des erreurs radicales et persistantes, paru en janvier 2014 Essai (Poche))
En peine complémentaire : s’abonner au compte Twitter de Patrick Lagadec : @plagadec
Tremblement de terre à Strasbourg : les suites de l’inconséquence partagée à autoriser la géothermie
Le samedi 26 juin 2021 à 5 heures, un séisme de magnitude 4,0, selon le réseau national de surveillance sismique (Renass) basé à Strasbourg, a réveillé l’agglomération alsacienne. Il a été classé comme séisme « induit » par l’activité humaine : un projet de géothermie à l’arrêt depuis 2020.
« La localisation et la première estimation de profondeur nous font clairement penser que ces évènements sont dans la suite des précédents », a déclaré Jérôme Vergne, sismologue à l’École et Observatoire des Sciences de la Terre de Strasbourg.
« Nous avions continué à enregistrer une activité sismique persistante ces derniers mois. Le sous-sol met un certain temps à réagir à l’arrêt (du projet), et à retrouver un état de contrainte naturelle » a-t-il ajouté. « Ce qui est étonnant, c’est qu’on a eu aujourd’hui le séisme le plus important de la séquence ». Il a fait référence à la « crise sismique de Bâle », la ville suisse ayant également été en proie à des séismes « de plus faible magnitude » après l’arrêt d’un projet local de géothermie, dans les années 2000.
Tout cela témoigne encore d’une capacité de jouer aux apprentis sorciers et la triplette « préfet, élus locaux et industriels de l’énergie » est bien légère et inconséquente.
Et on nous annonce que l’été sera chaud, voire caniculaire ……….