LA DROIT A LA PAROLE DE L’ENFANT. ASPECTS JURIDIQUES, M. Bongrain, L’Harmattan, 2021

Marcelle Bongrain, Le droit à la parole de l’enfant. Aspects juridiques, L’Harmattan 2021

Par Isabelle Corpart

Le droit a beaucoup évolué en la matière car, pendant longtemps, l’infans du droit romain était celui qui ne parlait pas. La Convention internationale des droits de l’enfant de 1989 a accordé à l’enfant une place nouvelle dans la famille. Sujet de droit à part entière, l’enfant s’est vu reconnaître le droit à la parole, le droit d’exprimer son opinion, de faire connaître ses sentiments et d’être auditionné en justice (C. civ., art. 388-1).

L’ouvrage de Madame Marcelle Bongrain reprend toutes les phases de l’évolution en ce domaine, précisant également les techniques accordées par le législateur pour que la parole de l’enfant soit entendue et prise en compte. Certes, l’enfant ne décide pas, mais il est essentiel qu’il puisse faire connaître son opinion, point sur lequel le législateur a insisté en 2002 (loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale), prévoyant que les parents doivent associer l’enfant aux décisions qui le concernent, mesure à affiner en fonction de son âge et de son degré de maturité (C. civ., art. 371-1, al. 4). L’opinion de l’enfant est aussi très importante à connaître lorsque des mesures doivent être prises pour fixer sa résidence et maintenir des liens avec ses parents quand ces derniers se séparent ou sont en conflit. En effet, depuis 1993 (loi n° 93-22 du 8 janvier 1993), dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut être entendu par le juge (C. civ., art. 388-1). La loi n° 2007-293 du 7 mars 2007 est allée encore plus loin, prévoyant que l’audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Dans tous ces cas, l’avis de l’enfant permet aux parents ou au juge de prendre des décisions conformes à l’intérêt de l’enfant, sans néanmoins, que la volonté exprimée par le mineur débouche toujours sur la mise en place de la mesure qu’il souhaitait. Pour autant, la parole de l’enfant a parfois une importance plus grande encore car le législateur exige dans de nombreux cas que le mineur de 13 ans donne son accord, lui accordant ainsi un droit de véto (adoption, changement de prénom, de nom… voire aussi pour tous les mineurs ayant le discernement nécessaire : le consentement médical, le don de moelle osseuse…). Grâce à la reconnaissance du droit à la parole de l’enfant, d’autres évolutions ont marqué ces dernières années, car l’enfant peut intégrer des conseils de classe, des associations et, pouvant participer au Parlement des enfants, il peut même contribuer à l’élaboration d’une loi. Le Parlement des enfants est une opération annuelle menée avec l’Assemblée nationale qui propose à des élèves de classes de CM2 de rédiger une proposition de loi avec leur enseignant, sur un thème donné. Des textes adoptés par le Parlement des enfants ont déjà été repris dans des propositions de loi soumises à l’examen de l’Assemblée nationale par des députés. Certaines ont été adoptées et sont devenues de véritables lois de la République, par exemple la loi n° 96-1238 du 30 décembre 1996 relative au maintien des liens entre frères et sœurs.

Marcelle Bongrain, juriste fondatrice de la Maison des droits des enfants et des jeunes à Toulouse s’est appuyée sur des dossiers suivis par son association, des témoignages et des expériences innovantes pour faire le point sur la question, montrant que des efforts doivent encore être faits pour améliorer l’écoute de l’enfant et lui donner une vraie place dans les dossiers qui le concernent.

Parmi ces dossiers, ceux qui ont trait à diverses formes de violences montrent combien il est important d’aider les enfants à s’exprimer et en particulier à faire connaître qu’ils sont victimes, subissant des violences directes ou indirectes. Entendre leur parole permet de mettre en place leur protection, protection contre des membres de leur famille, mais aussi contre des tiers, notamment en cas de placement mis en place par l’aide sociale à l’enfance, comme vient de le préciser la nouvelle loi n° 2022-1140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants.

Dans le cadre des procès, tant au civil qu’au pénal, il est essentiel que l’enfant soit entendu dans de bonnes conditions, soit par le juge, soit par une personne désignée à cet effet, accompagné par un avocat et parfois représenté par un administrateur ad hoc, quand il est en conflit avec ses parents.

Tous les enfants doivent pouvoir s’exprimer, y compris les mineurs délinquants. Cet ouvrage témoigne que des efforts doivent être faits en ce cas, mais aussi pour toutes les victimes, pour les enfants en situation de handicap qu’il convient de rendre acteurs de leur vie ou pour les mineurs en situation de grande vulnérabilité que sont les mineurs sans famille ou non accompagnés.

La protection de l’enfant passe assurément par la prise en compte de la parole de l’enfant par le droit positif, mais comme le montre cet ouvrage, ce n’est pas suffisant. Il faut insister sur les pratiques en ce domaine, en formant mieux les professionnels appelés à entendre les mineurs et à les accompagner et, de plus, il est essentiel de tenir compte des propos tenus par les enfants. Comme le dit Madame Bongrain pour clore son analyse, il importe que les mentalités évoluent et que la consultation de l’opinion d’un mineur doué de discernement soit prévue dans tous les dossiers qui le concernent, sachant aussi parfois de l’aider à s’exprimer et ensuite de mieux l’accompagner.

 

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