Claude Lienhard
Avocat spécialisé du droit du dommage corporel
Professeur Emérite à l’Université de Haute-Alsace
Directeur honoraire du CERDACC
On le voit bien, la tentation est grande en période de crise de porter atteinte à des libertés fondamentales et de s’attaquer à des valeurs essentielles.
Il faut être attentif à résister.
Les circonstances exceptionnelles n’impliquent pas d’abdications exceptionnelles.
Les débats qui se sont tenus devant le Conseil d’État en sont une parfaite illustration : un référé-liberté avait été déposé par plusieurs associations et syndicats d’avocats et de magistrats, aux fins de suspension de l’ordonnance du 18 novembre. Cette ordonnance, portant adaptation de règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière pénale, permet le recours à la visioconférence, sans l’accord des parties et sur seul choix discrétionnaire du président de l’audience, pour juger un prévenu ou un accusé.
Dans le cadre des procès d’assises, cette faculté n’existe qu’une fois terminée l’instruction à l’audience, c’est-à-dire au moment des plaidoiries et du réquisitoire.
Le Syndicat des avocats de France (SAF), le Conseil national des barreaux (CNB), le Syndicat de la magistrature (SM), l’Association pour la défense des droits des détenus (A3D), l’Association des avocats pénalistes (ADAP) et d’autres associations et syndicats d’avocats, demandaient au Conseil d’État, au visa de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre exécution de l’ordonnance.
Quoi qu’en dise le gouvernement, on est bien en présence d’un texte très opportun pour « sauver » le procès des attentats de janvier 2015, suspendu depuis plusieurs semaines pendant les plaidoiries en raison de la santé défaillante de l’accusé principal.
On s’éloigne dès lors dangereusement des rives du procès équitable qui implique le droit de comparaître devant ses juges physiquement au côté de son avocat en contact direct sans distance et intermédiation technologique froide.
Ailleurs il est question d’isoler sous contrainte voire de discriminer en fonction de l’âge avancé.
Sans parler du débat lié à la liberté de la presse de photographier la réalité des faits dans parfois leur cruelle révélation d’excès et disproportion dans l’espace républicain.
Chaque jour, il est fait appel à la responsabilité des citoyens et c’est important. Tout aussi important que le respect dû à ces mêmes citoyens dans toutes les enceintes et espaces. Nos droits fondamentaux ne doivent pas faire l’objet d’atteintes directes ou sournoisement indirectes.
Nous en sommes tous garants.